[Roman] - Destins entremêlés

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Angie
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Re: [Roman] - Destins entremêlés

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Coopération


« En disant deux fois pardon, tu ne pardonnes pas deux fois, mais tu rends le pardon plus solide. »
William Shakespeare


Les grondements de l’orage ne s’estompaient pas. Le vent et la pluie battaient à l’unisson, donnant un semblant de vie aux montagnes alentours. L’épais manteau de coton noir était descendu, rendant invisible la plupart des sommets. Les gravats du flanc affaissé étaient nombreux et entassés. La boue glissante rendait le tout difficile à bouger. Cependant, les plus petites pierres du tas se mirent à vibrer, tremblantes, sifflantes, et une masse sombre s’échappa des éboulis. Un éclair déchira le ciel, révélant l'impressionnante silhouette qui feula méchamment : le Gardar avait survécu.
Secouant son épaisse toison rousse détrempée et poussiéreuse, il renifla l’air, cherchant la trace de quelque chose. Ses longues griffes tranchantes déchiraient la terre. Il huma l’atmosphère une nouvelle fois et tourna la tête rapidement sur sa gauche : il y avait une petite grotte creusée dans le flanc de la montagne. L’odeur venait de là. Son flair ne le trompait jamais. D’un pas lourd et décidé, il s’avança. Les muscles de l’une de ses pattes avant se raidirent d’un coup, l’obligeant à se stopper. Orgueilleux et ignorant la douleur, il grogna de colère et reprit sa marche. Le résultat n’en fut que pire : il s’écrasa lourdement au sol. L’une de ses pattes avant devait être certainement cassée, suite à l’impressionnante chute qu’il avait faite. Sa force était ainsi réduite, et ses capacités de prédateur n’en étaient qu’affaiblies. Il dut se résigner à s’éloigner, non pas sans colère.

- Il est parti, nous voilà tranquilles pour l’instant.

Les deux jeunes femmes s’étaient réfugiées dans la grotte. Maiko était allongée, inconsciente. Un bandage couvrait son front. Tatsuki était à ses côtés, surveillant l’extérieur. De petites stalactites tapissaient le plafond, accompagnées d’un fin filet d’eau les recouvrant. De temps à autre, quelques gouttes tombaient, créant ainsi une mélodie douce face au chant colérique de la tempête. Plic... Ploc... Plic... Ploc... L’une s’écrasa sur le visage de la jeune femme endormie. Ses paupières se plissèrent et peinèrent à s’ouvrir. Tout était flou, puis blanc, puis sombre, et enfin plus net. Ses yeux se fermèrent et se rouvrirent plusieurs fois avant qu’elle ne prenne la parole.

- Que… Que s’est-il passé ? demanda-t-elle, toujours étourdie.

Sa main se porta instinctivement sur le bandage humide. Elle pouvait sentir une bosse au travers, mais aussi autre chose de plus douloureux. Une plaie ?

- Le bord de la falaise s’est effondré sous nos pieds, répondit Tatsuki. Nous sommes tombées en même temps que la Gardar, et tu…
- Oui, je me souviens à présent.
- D’accord…

La terrienne se remémora alors la scène. Une gigantesque bourrasque de vent avait amorti leur chute. D’où provenait-elle ? Était-ce l’œuvre de Maiko ? Impossible. Et pourtant… La jeune femme aux cheveux chocolat retira le tissu bordant son front. Une coupure et quelques égratignures avaient pris place aux côtés de la bosse. Elle reposa le linge quelques instants après.

- Comment me suis-je fait ça ? rétorqua-t-elle, l’air mauvais.
- Tu t’es pris un coup de patte du Gardar lorsque nous tombions. Sa chute a également été freinée par le vent. Je ne sais pas comment j’ai fait mais j’ai réussi à le repousser et il s’est écrasé dans les gravas. Toi, tu es tombée inconsciente peu après et…
- Merci, répliqua Maiko, les yeux fermés.

La gardienne de la glace resta figée sur ces derniers mots. Jamais elle n’aurait pensé les entendre de la bouche de celle qui la considérait comme une minable. Une faible inspiration la tira de son statut de statue. Son regard fuyant se perdit dans le vide, accompagné d’un léger sourire en coin.

- Merci de quoi ? Tu dois me prendre pour une petite idiote une nouvelle fois. Une petite imbécile qui ne se mêle pas de ses affaires.
- Je suis sincère. Ne crois tout de même pas que je suis toujours à critiquer les autres !
- C’est l’impression que tu donnes pourtant.
- Tu ne me connais pas, rétorqua sèchement la jeune femme, du tac au tac.

L’atmosphère se faisait de plus en plus tendue. Un silence de glace régnait dans la grotte, imperturbable. Même la colère des éclairs déchirant le ciel de ténèbres et le souffle acerbe de la tempête ne parvinrent à troubler ce calme étouffant. Finalement, la respiration de Maiko s’alourdit, accompagnée d’un soupir, et vint y mettre un terme.

- Nous devrions sortir d’ici et retrouver Taku. Le temps presse et tout semble jouer contre nous.
- Tu as une idée ? répondit la jeune femme aux cheveux mauves. Nous ne pouvons pas retourner dehors. Le Gardar est peut être blessé, mais je suis sûre qu’il nous attend tapis dans l’ombre.
- C’est étrange. Voilà enfin une parole censée qui sort de ta bouche.

La terrienne ne releva pas cette dernière remarque.

- Quoi qu’il en soit, nous n’avons d’autre choix que de trouver une autre sortie, continua Maiko.
- J’espère surtout que cette grotte mène quelque part !
- Mon instinct me dit que oui.
- Ton instinct… J’osais espérer mieux ! Nous allons marcher à l’aveuglette si nous t’écoutons !
- Tu as une meilleure idée !?

Nouveau silence. Un feulement résonna, mêlé au grondement fracassant de la tempête. Il n’était pas seul : d’autres suivirent peu après, l’accompagnant de plus belle.

- Si tu veux rester en vie, tu as tout intérêt à m’écouter.
- Excuse-moi… lança Tatsuki d’un air dépité.
- Affronter une meute de Gardar et la tempête est quelque chose de bien trop dangereux. La seule chance que nous ayons, c’est de trouver une issue dans cette caverne. Les montagnes de la région sont pour la plupart d’anciens volcans. Si nous avons de la veine, nous tomberons sur une ancienne cheminée qui nous amènera directement à l’extérieur.
- Et trouver Taku ne sera donc plus très compliqué, n’est-ce pas ?
- Et bien voilà ! Quand tu veux, tu comprends vite !
- Disons que j’ai compris qu’avec toi, on a intérêt à apprendre vite !

Elles s’affrontèrent du regard quelques secondes puis un éclat de rire s’extirpa de leur gorge. La jeune femme aux cheveux tressés reprit la parole, un peu plus détendue.

- Nous risquons de croiser quelques créatures gênantes en cours de route, mais ce ne sera pas un souci. Je m’en occuperai facilement…
- Dis-moi Maiko, j’avais justement une question à te poser, coupa l’autre jeune femme.
- Mh ?
- Es-tu une invocatrice, toi aussi ?

La jeune femme marqua un temps, hésitante. Tatsuki avait choisi de lui demander directement, sans tergiverser. Elle ne savait pas vraiment pourquoi, mais elle sentait que Maiko n’était pas quelqu’un d’ordinaire.

- Pourquoi cette question ? Je ne vois pas le rapport avec ce dont j’étais en train de parler.
- Oui, excuse-moi… C’est juste une impression que j’ai. Tu sembles être quelqu’un de froid et distant, alors qu’en fait, je suis sûre que tu as un grand cœur. Puis, je ne sais pas… Ton attitude, ton aptitude au combat… Tout ça me laisse penser que…
- Si c’était le cas, quel élément m’attribuerais-tu ? coupa l’intéressée.
- Le vent.

Les pupilles de Maiko se figèrent à ces derniers mots. Elle ne comprenait pas la raison d’une telle affirmation.

- Le vent ? Je ne vois pas ce que j’ai en rapport avec…
- Tu sembles aussi indomptable que lui, aussi impétueuse. Tu peux déchaîner ta colère en un rien de temps, tout détruire sur ton passage, et te calmer la seconde qui suit… Oui, tu es aussi libre que lui.
- Nous devrions nous mettre en route et ne pas trop tarder.

La jeune femme semblait esquiver la conversation, préférant sans doute ne pas aborder le sujet. Se relevant rapidement, sa main alla tâter le linge humide de son front et la petite plaie. Le sang ne coulait plus. Elle ôta le tissu et le rangea dans le petit sac qu’elle portait en bandoulière. Tatsuki la regarda d’un air dubitatif.

- Lève-toi, nous devons partir maintenant, lança Maiko.
- Euh… Oui…

Tatsuki ne se redressa pas sur le coup, hésitante. Voyant cela, l’autre jeune femme s’approcha d’elle et commença à la tirer par le bras pour qu’elle se dépêche. La gardienne de la glace se leva brusquement ; sa jambe gauche flancha dans les secondes qui suivirent. Une large tâche cramoisie recouvrait son jean au niveau du tibia. Une grimace se dessinait sur son visage.

- Qu’est-ce que tu t’es fait ?
- Ce n’est rien, juste une égratignure…
- Juste une égratignure ? Vu la tête que tu viens de faire, j’en doute. Montre-moi.
- C’est bon, je te dis.
- Montre-moi ! insista d’une voix sombre Maiko.

La jeune femme n’eut d’autre choix que de s’exécuter. Se rasseyant, elle remonta son pantalon lentement, grimaçant de temps à autre. Elle dévoila ainsi une plaie rougeoyante et humide. Un fin filet de sang s’écoulait sur le côté, mêlé de poussière. Du pus suintait également. Les chairs étaient lacérées sur une dizaine de centimètres.

- Quand t’es-tu fait ça … ? s’étonna la jeune femme aux cheveux tressés.
- Lorsque j’ai dû te tirer pour nous mettre en sécurité, j’ai trébuché sur une pierre assez… coupante, répondit l’autre. Mais ça va, je pourrai marcher…
- Ne te moque pas de moi. Une simple chute ne peut pas amocher une jambe comme ça. Et de la même façon, un simple coup de patte de Gardar ne peut m’avoir fait que cette plaie au front ! Dis-moi la vérité.
- Tu n’as donc pas confiance en moi, hein ?
- Non. Pas avec d’aussi gros mensonges, lança-t-elle, le visage sombre. Je pense plutôt que tu as été blessée par ce monstre. Puis lorsque tu m’as tirée pour nous mettre à l’abri, tu as trébuché et tu m’as laissée tomber involontairement, et je me suis cognée la tête sur une pierre.

Un nouveau silence terrifiant s’empara des lieux. Le souffle glacé du vent s’engouffra dans la caverne, résonnant de sa toute puissance, hurlant, courant sur les parois rocheuses, criant, et mourant dans un ultime écho. Tatsuki ne parlait toujours pas.

- Pourquoi ne pas avoir dit la vérité ?
- J’avais peur de ta réaction, répondit la terrienne, hésitante. Je sais que tu ne m’aimes pas particulièrement, et je ne voulais pas rendre la situation encore plus tendue.

Maiko soupira. Quelques souvenirs lui revinrent en tête.

*


C’était l’été. Nous étions dans la partie Sud de l’île de Nihyl. La mer s’étendait à nos pieds, et nous pouvions voir au loin l’Archipel des îles oubliées, dominant la mer du Leviathan. Je n’avais alors que douze ans. Miu, elle, n’en avait que neuf. Nous jouions sur cette plage de sable d’or, telles deux âmes innocentes et insouciantes. Nous ne savions rien du danger du monde. Nous étions seulement deux. Deux sœurs, deux amies. Nous étions allongées sur les grains chauds, regardant les nuages, cherchant quelques animaux parmi les masses de cotons blancs. Père nous parlait souvent de cette guerre, de ce conflit qui nous menaçait, du danger que nous courions. Mais nous n’en avions que faire, nous étions trop jeunes pour comprendre. Tout ce que nous souhaitions, c’était rester toutes les deux pour continuer à jouer, à rêver.

- Dis, grande sœur, tu n’as jamais rêvé d’aller explorer ces îles ?
- Pourquoi cette question Miu ?
- Je ne sais pas, mais j’ai toujours imaginé trouver un grand trésor là-bas.
- Un trésor ? Et qu’est-ce que tu en ferais ?
- Tu crois que ça pourrait aider à soigner maman ?

Notre mère était bien malade. L’un de ces maux que l’on traine des années durant, incurable, et qui nous emporte avant même que l’on n’ait pu dire à nos proches combien on les aime. Ma sœur s’était attirée des ennuis plus d’une fois, à voler des médicaments pour essayer de la soulager. Mais rien n’y fit jamais. La seule chose que nous pouvions faire, c’était prier pour elle.
Je fus très étonnée que ma sœur me pose cette question. Jamais encore elle ne s’était souciée de l’argent. Ou du moins, pas de cette façon. Je compris alors que quelque chose n’allait pas.

- Miu, qu’as-tu encore fait ? demandai-je alors, mécontente.
- Ne te fâche pas Maiko, s’il te plait.
- Dis-moi ce que tu as fait, insistais-je.
- Et bien… Tu te souviens de ce sirop que maman a bu il y a quelques jours et qui lui a fait du bien ?
- Miu…
- Je suis allée chez le vieux Kampachi, et lorsqu’il a tourné le dos, je m’en suis emparée… Sauf que le flacon coûtait assez cher, et j’aurais aimé le lui payer maintenant…

La petite fille avait les larmes aux yeux. Je la regardais, un peu déçue.

- Miu, pourquoi ne pas m’en avoir parlé avant ? Tu sais que voler est mal, et ce n’est pas la première fois. Je sais que tu espères bien faire, mais que dira maman si elle l’apprend ? Ca lui fera de la peine.
- Maiko, ne lui dis rien s’il te plait…
- Tu ne m’as pas répondue : pourquoi ne pas me l’avoir dit plus tôt ?
- J’avais peur de ta réaction, peur que tu ne m’aimes plus et que tu ne veuilles plus être ma grande sœur, lâcha la fillette tout en sanglotant.

Je la pris dans mes bras, la serrant le plus fort possible contre mon cœur. Je n’aimais pas la voir pleurer, et je m’en voulus d’avoir été froide avec elle.

- Miu, il faut que tu aies confiance en moi, d’accord ? Je n’irai jamais répéter ce genre de chose à maman, mais promets-moi de ne plus recommencer. D’accord ?
- D’accord…
- La confiance est primordiale.

Oui, la confiance… C’était tout ce qu’il nous restait, tout ce qui m’importait ; qu’elle ait confiance en moi… Car elle était tout pour moi.

*


La jeune femme aux cheveux tressés s’approcha de Tatsuki et s’assit en tailleur. Elle ouvrit son sac et en sortit une petite mallette blanche. Une croix rouge y était dessinée.

- Qu’est-ce que tu fais ? s’étonna la jeune femme aux cheveux mauves.
- Il faut cautériser cette plaie. Après, nous pourrons chercher un moyen de sortir d’ici.
- Mais je croyais que…
- Si on ne soigne pas ça, la blessure risque de s’infecter et je ne pense pas que tu tiennes à perdre une jambe.
- Euh… Pas vraiment, non.
- Laisse-moi faire alors. Ce n’est pas la première fois que j’ai à faire l’infirmière, si j’ose dire. J’ai pris l’habitude très jeune avec ma petite sœur.
- Comment est-elle ?
- Une vraie tête de mule, tout comme toi. Vous devriez bien vous entendre.

Maiko ouvrit la petite boite et en sortit une gaze, un bandage, un morceau de coton et une bouteille de désinfectant. Elle versa quelques gouttes de ce dernier sur la ouate et l’appliqua sur la plaie. La blessée grimaça : le produit lui provoquait des picotements assez désagréables. L’autre essuyait le pus et lorsqu’elle eut fini, s’empara de la gaze, la posa sur la blessure et termina par un bandage.

- Il faudra surveiller ça tous les jours. Nous ne sommes pas vraiment dans d’excellentes conditions pour soigner ça. J’espère que ça ne s’infectera pas.
- Merci…
- Je n’ai pas fait grand-chose, alors ne t’inquiète pas. Tu peux marcher ?
- Je vais voir.

La gardienne de la glace se releva. Sa jambe lui faisait toujours mal, mais le fait que la plaie ait été nettoyée et protégée amoindrissait la douleur. Après quelques pas, elle acquiesça et les deux jeunes femmes se mirent en route. A l’extérieur, la tempête semblait se calmer. Les ombres furtives qui rôdaient se dissipèrent, effrayées. Quelqu’un approchait.

Maiko et Tatsuki longeaient le chemin qui s’offrait à elles. Les parois de la grotte étaient ridées, plissées, vieilles, érodées. De fins filets d’eau ruisselaient à quelques endroits, émanant de la roche même, ou bien de majestueuses stalactites suspendues au plafond. Les ténèbres dominaient les lieux : les deux jeunes femmes avançaient lentement grâce à une lampe torche. Quelques cristaux aux reflets bleutés jonchaient les environs. Un grondement résonnait au loin, donnant un semblant de vie à la grotte - sans doute une rivière souterraine. La lumière émanant de la lampe se mélangeait aux quartz présents, scintillant de mille éclats. On aurait dit que le plafond de la caverne était empli d’étoiles.

- C’est magnifique, lança la gardienne aux cheveux mauves.
- N’est-ce pas ? Et tu vois, nous avons bien fait de suivre mon instinct ! Nous sommes effectivement dans les galeries d’un ancien volcan. C’est pour ça qu’il y a autant de cristaux.
- J’ai toujours eu une sainte horreur des cours de géologie… soupira Tatsuki, d’un air dépité.
- Allez, fit l’autre tout en changeant de sujet, continuons d’avancer. Tiens, à propos, ça va ta jambe ?
- Oui, ça me lance moins. Merci encore.

La jeune femme aux cheveux tressés ne répondit pas et se contenta de détourner la tête. Ainsi, elles reprirent toutes deux la route, cherchant le moindre indice qui leur donnerait accès à l’extérieur. Néanmoins, les boyaux se ressemblaient tous et elles finirent par se perdre : impossible de retrouver le chemin d’où elles venaient. Maiko s’arrêta, agacée, et donna un grand coup de poing dans la paroi rocheuse. L’autre jeune femme s’assit, épuisée et affamée. Son ventre ne cessait de gargouiller. La nuit devait être tombée depuis un moment.

- Maiko, je n’en peux plus, haleta-t-elle. Nous tournons en rond, et je commence vraiment à avoir faim ! Sommes-nous vraiment obligées de continuer maintenant ? J’aimerais faire une pause…
- Je ne tiens pas à rester coincée ici ! Il y a forcément un moyen de sortir d’ici bon sang ! Réfléchis Maiko, allez…

Elle se tut et fit signe à sa collègue d’en faire autant. Le grondement lourd qu’elles avaient entendu un peu plus tôt était presque inaudible. Alors que Tatsuki s’apprêtait à parler, elle lui fit signe de se taire et se concentra à nouveau. Pas un bruit au premier abord. D’un coup la sérénade irrégulière des gouttes s’échappant des pics de calcaire resurgit. Plic. Ploc. Plic. Ploc. Et puis soudain, le souffle léger d’un zéphyr. Son chant se mêlait au roulement lointain. La jeune femme ouvrit les yeux, déterminée.

- Une rivière.
- Quoi ?
- J’ai entendu le bruit d’une rivière. Si nous la trouvons, nous pourrons sortir d’ici.
- Euh, d’accord, mais comment comptes-tu faire pour la retrouver ?
- Taël, j’ai besoin de toi !

La jeune femme aux cheveux tressés ferma les yeux. Un courant d’air se fit sentir, insistant, glacial. Une faible lueur blanche apparut, prit la forme d’un immense loup ailé puis disparut. La bête avait un pelage sombre comme la nuit. Sa truffe humide luisait sous l’éclairage de la lampe torche. Ses quatre pattes se terminaient par de longs poils couleur argent. De petites griffes albâtre sertissaient chacun des doigts. Deux grandes ailes trônaient sur son dos. Les plumes contrastaient parfaitement avec le reste de l’animal, de part leur couleur crayeuse. Son regard était intense et profond : un iris émeraude bordait chaque petite pupille ronde et noire. L’animal majestueux regarda alors la jeune femme qui avait fait appel à lui. Tatsuki, elle, restait à terre, bouche bée.

- Tu as besoin de moi, Maiko ? déclara le loup, d’une voix profonde.
- Oui. Mais avant tout, j’aimerai te présenter à la gourde qui est au sol !
- Je ne suis pas une gourde ! s’offusqua la concernée.
- Voici Taël, ma chimère. Ton intuition aura été bonne, finalement. Je n’ai pas vraiment compris ce qui t’as mis la puce à l’oreille, mais c’était bien trouvé. L’élément qui me correspond est effectivement le vent.
- Je m’en doutais. Du coup, c’est toi qui a provoqué cette bourrasque de vent qui nous a sauvé la vie, n’est-ce pas ?
- En effet, répondit-elle, déviant son regard.
- Enchanté, lança l’animal, le ton grave.
- Euh… Oui, moi de même, répondit la terrienne, peu rassurée.
- Allons, pas la peine d’avoir peur comme ça ! Taël est aussi doux qu’un agneau.
- Peut-être mais il n’en reste pas moins impressionnant !

La chimère étouffa un rire. Ses yeux semblaient scintiller de mille éclats. Il réitéra sa question et Maiko lui expliqua ce qu’elle avait entendu. Le temps pressait, elles devaient retrouver Taku au plus vite. L’animal acquiesça d’un mouvement de tête et la jeune femme monta sur son dos.

- Allez, grimpe, lança-t-elle à Tatsuki.
- Pardon ? s’étonna l’autre.
- Grimpe ! Nous irons plus vite de cette façon. Taël peut lire en moi ; du coup, il retrouvera bien plus facilement que nous cette rivière. Alors maintenant, grimpe ! s’énerva-t-elle.
- Euh… D’accord.

Elle s’exécuta. Le loup plia ses ailes de sorte à ne pas gêner ses passagères puis démarra sa course au quart de tour. Ses grandes foulées, puissantes et rapides, les entrainèrent au plus profond de la grotte. Le grondement lourd se faisait de plus en plus insistant. Ils se rapprochaient indéniablement. Les parois devenaient, elles aussi, de plus en plus humides. Les perles s’échappant des longues stalactites accéléraient leur cadence. Une lumière se profilait au bout du boyau. Täel ne cessait de courir. Tatsuki, qui se cramponnait du mieux qu’elle le pouvait, s’adressa soudainement à l’autre jeune femme.

- Maiko, je voulais savoir… Pourquoi un si soudain changement vis-à-vis de moi ? Je veux dire, hier encore tu refusais de m’adresser la parole. Je ne comprends pas.
- Parce que j’ai été stupide et bornée. Au fond, je n’ai pas cherché à savoir qui tu es et je t’ai jugée au premier abord. D’ailleurs, tu me rappelles vraiment ma sœur… J’ai envie d’apprendre à te connaître. Et puis… Une imbécile n’aurait pas cherché à veiller sur moi lorsque j’étais inconsciente.
- Merci… répondit la terrienne d’un air soulagé. Alors, on fait la paix ?
- On peut dire ça, ouais, continua Maiko tout en tournant la tête, un sourire au bout des lèvres. Mais tu as intérêt à t’entraîner !
- Ne t’inquiète pas pour ça, je n’avais pas l’intention d’en rester là !
- Accrochez-vous mesdemoiselles, coupa subitement l’animal.

L’immense loup accéléra le rythme. Il ne semblait plus courir, mais plutôt bondir. On aurait presque pu croire qu’il volait. Au bout du compte, en à peine quelques minutes, ils arrivèrent enfin à leur but. L’endroit était magnifique. La grotte s’était élargie, comme si elle s’était formée d’une immense bulle d’air. Une rivière bouillonnait, suivie d’une petite cascade. Des centaines de quartz et autres cristaux jonchaient les parois rocheuses. Une lumière semblait s’échapper d’eux, se reflétant dans l’eau et sur les stalactites incrustées au plafond. Certaines de ces dernières faisaient face à de puissantes et grandes stalagmites, cherchant à se rejoindre.
Admirant les lieux, Taël avançait doucement. Les deux jeunes femmes étaient bluffées de voir quelque chose d’aussi beau dans un endroit aussi reculé. Maiko remarqua, quelques temps après, un chemin creusé par les eaux au fil du temps, en hauteur. Il devait certainement donner sur l’extérieur. Alors qu’ils se dirigeaient vers ce dernier, une masse sombre, près de la berge, attira leur attention. On aurait dit un corps, allongé, immobile. Les deux jeunes femmes et la chimère s’en approchèrent, prudents. Impossible de savoir ce que c’était. Finalement, à bonne hauteur, ils purent voir ce dont il s’agissait.
Une créature, mi-homme, mi-loup, était affalée au sol. Son apparence était pour le moins étrange. Son pelage était d’un gris-brun assez clair, avec quelques nuances jaunâtres. De grandes oreilles imposantes trônaient sur son crâne. Sa truffe chocolat était suivie d’un fin duvet couleur suie. De fines pupilles noires tranchaient avec un iris jaune vif. Quelques poils noirs encerclaient ses yeux, s’étendant jusqu’au début du museau. À leur périphérie, la fourrure était, quant à elle, plutôt beige. Ses doigts se terminaient par de petites griffes blanches. Il était vêtu d’une façon plutôt élégante. Une longue cravate carmin, où était dessiné le clavier d’un piano, courait sur son torse nu et musclé. Une imposante montre se trouvait à son poignet gauche. Un pantalon de smoking habillait ses longues jambes. De grandes chaussures noires et brillantes étaient à ses pieds. Un détail frappa Maiko : il tenait dans sa main droite une longue bouteille de verre. Un papier couleur or surmontait le goulot. Une grosse étiquette rouge et ambrée y était collée. On pouvait y lire « Champagne, Moët & Chandon, brut impérial, 75cl ». Le flacon était à moitié vide. Aux côtés de la créature se trouvaient une flute à champagne, ainsi qu’une autre bouteille – la même que celle qu’il tenait – vide. Un sac à dos était posé tout près.

- Qu’est-ce qu’un Anubys fait ici ? déclara la gardienne du vent, perplexe.
- Un Anubys ? C’est un drôle de nom, songea Tatsuki. Enfin, c’est vrai que sa tête ressemble un peu au dieu égyptien du même nom.
- C’est étrange, j’ai l’impression de l’avoir déjà vu quelque part…
- Blonj…jiuur.

La créature venait de parler, dans un langage assez difficile à comprendre. Il leva sa main tremblante et pointa d’un doigt faiblard la rivière.

- Deuilo.
- Hein ?
- D-deuh… De l’a… De l’eau ! Siouplay, s’exclama-t-il, à moitié ivre.
- De l’eau ? Vous ne pensez pas avoir assez bu comme ça peut être ? rétorqua Tatsuki, mécontente. Nous sommes pressées figurez-vous !
- Je vais lui en chercher.
- Maiko, nous devons…

Elle ne put finir sa phrase que sa collègue était déjà partie remplir la bouteille vide. Quelques minutes après, elle revint et tendit le « précieux » liquide à l’Anubys. Il l’engloutit en l’espace de quelques secondes puis, retenant un petit rot, soupira. Il se releva. Il devait faire près de deux mètres.

- Merci beaucoup, gente demoiselle. Sachez, autre gente demoiselle, que je n’étais point ivre mais qu’un morceau de mon illustre déjeuner m’obstruait la gorge et que je ne pouvais ainsi point respirer à ma convenance. Je n’allais tout de même pas gaspiller le nectar que contient cette bouteille pour ça !
- Et en plus, il parle comme un aristocrate, lança l’intéressée à Taël, à voix basse.
- Que faites-vous ici …? Demanda Maiko, méfiante.
- Ô douce créature qui m’avez sauvé la vie, comment puis-je vous remercier ?
- Répondez simplement à ma question. Vous n’êtes pas le premier Anubys que je croise ; je sais que vous êtes de beaux parleurs.
- Permettez-moi avant tout de vous contempler, ma mie. Vous faites chavirer mon illustre personne et…
- Réponds à la question, misérable, ou je me charge de défigurer ton illustre visage, grogna le loup.
- Taël, calme-toi, s’il te plait.

Il y eut un silence. L’Anubys regarda sa bouteille de champagne et ramassant la flute au sol, se servit un verre. Après une gorgé, il reprit la parole.

- Je me baladais tranquillement lorsque je fus pris par surprise par une tempête, voilà tout.
- Je ne suis pas très convaincue.
- Que voulez-vous que je vous dise d’autre ? Ah si, un petit détail qui allait m’échapper. Pour je ne sais quelle raison, trois individus encapuchonnés me poursuivaient. Je suis tombé dans la rivière et ne pouvant me débattre, j’ai atterri ici, entraîné par le courant.
- Vous ne savez pas nager ? questionna la jeune femme aux cheveux mauves, perplexe.
- Bien sûr que si, petite sotte ! Mais je n’allais tout de même pas prendre le risque de perdre ces bouteilles inestimables ! Quelle idée ! Le millésime de cette cuvée ne date pas d’hier. Elle vaut de l’or !
- Bon, cher monsieur, vous nous excuserez mais… commença Maiko.
- Appelez-moi Victor, sublime créature, lança-t-il d’une voix on ne peut plus séductrice, accompagnée d’un sourire ravageur.
- Très bien, « Victor », nous sommes pressés et maintenant que vous avez retrouvé votre aptitude à dire tout et n’importe quoi, nous allons vous laisser.
- Attendez, s’il vous plait, gente demoiselle. Ne me laissez pas tout seul ici… Je n’aime point la solitude et vous m’êtes agréable.
- Nous nous connaissons seulement depuis quelques minutes ! Cessez vos bêtises !
- Allons, douce Maiko ! Ma mie, s’il vous plait ! Ayez pitié du pauvre homme en détresse que je suis.
- Comment connaissez-vous son nom !? s’exclama Tatsuki.

Nouveau silence. Victor prit une nouvelle gorgée.

- Vous l’avez dit tout à l’heure, petite niaise.
- Ne m’appelez pas comme ça, imbécile !
- En voilà un bien vilain mot ! J’aurais pu vous indiquer l’exact chemin pour sortir de cet antre effrayant mais vous m’en avez coupé l’envie.

Maiko soupira. Sa chimère ne quittait pas l'Anubys des yeux. Il n’avait pas confiance. La jeune femme aux cheveux tressés soupira et prit sa plus belle voix.

- Allons Victor, commença-t-elle d’un ton hypocrite. Quelqu’un de votre rang ne peut pas se fâcher pour si peu, n’est-ce pas ?
- C’est exact, ma beauté. Alors, me laissez-vous venir avec vous ? Ou préférez-vous me laisser mourir de chagrin… dans le noir ? sanglota-t-il.
- Très bien, venez avec nous… Mais ne trainez pas dans mes pattes, j’ai horreur de ça.
- N’ayez crainte, trésor. Je serais doux comme un agneau.
- Tu as intérêt, sinon c’est moi qui te remettrai à ta place, lui lança Taël, montrant les crocs.

Les deux jeunes femmes remontèrent sur le dos de l’animal. Victor, quant à lui, ouvrit la marche. Il leur montra en peu de temps les chemins tortueux qu’il avait empruntés avec la rivière. Longeant la berge, au bout d’environ une heure, la fin du cauchemar prit fin. Le ciel dégagé leur apparaissait, rempli d’étoiles. La tempête devait être finie depuis un bon moment.

- Et voilà, comme promis, vous voilà tous sortis d’affaire, ma chérie.
- Arrêtez de m’appeler comme ça, vous m’agacez ! Dépêchons-nous de sortir d’ici, j’ai un mauvais pressentiment.

Les jeunes gens se hâtèrent de regagner l’extérieur. Plus que quelques mètres… Ça y est. Ils étaient tirés d’affaires et n’avaient plus qu’à retrouver Taku. Alors que Tatsuki s’enjouait de revoir une lumière autre que sa lampe torche - celle du croissant de lune, le visage de Maiko s’assombrit. Le grand loup ailé se mit à grogner. Victor, lui, s’était un peu écarté. La gardienne du vent descendit de son ami et se tourna vers l’Anubys, le fixant droit dans les yeux.

- Il me semblait bien vous avoir déjà vu quelque part, cher Victor. Vous savez bien jouer la comédie. Honnêtement, c’était pas mal. Surtout de la part d’un chasseur de prime à la solde des Fatalistes.

Une flèche enflammée vint se planter au sol. Des dizaines d’autres la rejoignirent peu après. Quatre personnes capuchonnées apparurent alors, arcs et flèches en main. Une cinquième les rejoignit, vêtue de noir, un masque blanc sur son visage. L’Anubys, esquissa un sourire ravageur, les sourcils froncés. Il s’en alla vers le groupe ennemi, se frottant les mains.

- Bien joué, Victor. Vous ne manquez pas à votre réputation, déclara la personne masquée.
- C’était un jeu d’enfant, bien que la compagnie de cette charmante jeune femme à la peau basanée m’eusse été fort agréable. Alors, où est ma récompense ?
- Tu l’auras, sois patient.

Tous éclatèrent de rire. De l’autre côté, Maiko rageait de ne pas avoir reconnu dès le début ce traitre de Victor. Tatsuki, peu rassurée, ne détachait pas des yeux la personne avec qui Victor parlait.

- Qui êtes-vous !? s’écria-t-elle.

L’intéressée s’avança alors de quelques pas pour les regarder de plus près. Elle ôta alors son masque et d’un ton blasé, lui répondit.

- Ichiko, la dernière personne que tu verras d’ici peu.




Et une petite preview x)...
Dans le prochain chapitre de Destins Entremêlés...
Tatsuki : Merde ! On va se faire massacrer !
Maiko : Ecarte toi, je m'en occupe.
Tatsuki : Eh ! Je veux t'aider !
Maiko : On n'a pas le temps, tu n'es pas assez entraînée pour ça !
Tatsuki : Maiko ! Attention ! Elle arrive !
Chapitre 11 : Fatalistes !


le dessin de victor arrivera sous peu :D
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Lucariø
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Re: [Roman] - Destins entremêlés

Unread post by Lucariø »

Le résumé m'intéresse, je lirai bientôt le premier chapitre Angie =)
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Micky
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Re: [Roman] - Destins entremêlés

Unread post by Micky »

J'ai commencé à lire (je n'en suis qu'au début... début qui m'a l'air fort prometteur) ! Une histoire comme je les aime. J'ai envie de manger une fougasse au chorizo...

Tu as une belle écriture Angie. En plus on accroche dès que l'on commence à lire, avec cette jeune fille si étrange. J'ai hâte de continuer la lecture, mais ça va être pour plus tard :/
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Angie
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Re: [Roman] - Destins entremêlés

Unread post by Angie »

pas de souci, c'est déjà gentil d'avoir laissé un petit message ^^
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kyles
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Re: [Roman] - Destins entremêlés

Unread post by kyles »

joli roman on voit que ta beaucoup d'imagination ! en plus j'ai bien aimé bonne continuation
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Connaître la souffrance permet de contrôler ses paroles et ses pensées. Cependant, à travers cette souffrance sans fin j'ai mûri et je suis devenu plus qu'un homme


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Ionioi
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Re: [Roman] - Destins entremêlés

Unread post by Ionioi »

trés beau roman angie
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